Gérald Blanchard
Sa vie
Gérald Blanchard vient au monde le 13 décembre 1961, à Paris, sur la Butte Montmartre, signe du destin. Les familles émerveillées, quoique légèrement inquiètes devant le jeune âge des géniteurs, conviennent de régulariser une situation pour l’époque encore un peu sulfureuse et de confier le poulbot aux grands-parents maternels.
Entre le Sacré-Cœur et la porte d’Aubervilliers, Gérald Blanchard pose les bases de sa vie d’homme et d’artiste. Tandis que le grand-père sillonne les lignes du Métropolitain aux manettes de sa motrice, la grand-mère traîne le petit tous les jeudis aux Beaux Arts de la RATP, sis porte de Bagnolet, où elle enseigne la peinture. Le bambin galope au milieu des ateliers puis apprend le b.a.ba des techniques picturales mais aussi du modelage et de la sculpture. Il y retrouve également son oncle, ajusteur outilleur aux talents multiples, très tôt atteint par la maladie de Charcot. Celui-ci perd progressivement l’usage de ses mains et s’appuie sur son neveu, en admiration devant ce personnage hors du commun, pour lui préparer ses couleurs.
C’est le gris qui rattrape Gérald Blanchard à l’âge de 8 ans lorsqu’il doit retourner chez ses parents, à Goussainville, dans le vacarme des avions qui fréquentent les aéroports de Roissy et du Bourget et le chaos de cités déjà explosives.
La peinture sort presque totalement de son existence même s’il s’évade chaque fois qu’il le peut pour retrouver ses grands-parents. Ce sont 10 ans d’errance avec, notamment, un passage chez les Oratoriens qui l’éclaire surtout sur les vertus de la laïcité. L’école le quitte à 15 ans et demi et ce sont les usines Renault de l’Ile Seguin qui l’accueillent. Il y passe un CAP de mécanique générale et ne se fait pas prier pour prendre sa liberté, le soir de ses 18 ans. Il emménage dans la petite maison héritée de son grand-père et entame une vie de bohème avec son salaire de metteur au point à la Régie.
Il partage alors la vie de Sonia, fille du peintre Gérard Di-Maccio. C’est un retour frénétique à la case pinceaux au contact du grand prêtre de l’art visionnaire, un Giger à la française qui donne à cette époque des réceptions fastueuses dans son gigantesque appartement voisin de l’hôtel Lutétia. Entre le fracas des chaînes de montage, au cœur d’un univers digne du Métropolis de Fritz Lang, et le brouhaha de conversations mondaines et néanmoins culturelles, au milieu d’un aréopage de créateurs, d’intellectuels et de mannequins, Gérald Blanchard, légèrement décalé, fait son apprentissage avec candeur et gourmandise. Un parcours alors inconscient qui éclaire aujourd’hui son œuvre (voir ci-dessous).
Plus tard, il suit une formation de graphiste, découvre la photographie au Studio 44, et participe épisodiquement à l’aventure des troupes Royal De Luxe et Naphtaline, en tant que technicien, artificier. Des expériences multiples qui lui ont permis de construire et de poursuivre jusqu’à ce jour une solide carrière dans les arts graphiques.
Durant toutes ces années, il a aussi retrouvé sa palette pour ne plus jamais s’en séparer. À force de travail et d’acharnement, pour apprendre et se perfectionner, il a désormais acquis une tranquille maturité qui lui permet de mettre en adéquation son art avec son inspiration, ses visions et une certaine philosophie du monde.
Son œuvre
« Pendant des années, je ne voulais pas vendre, je ne sortais pas de mon atelier. Je voulais tout comprendre, tout maîtriser. Je voulais connaître les bases pour créer mon propre style. » Avec sa collection Mydriase Bilatérale (affection des pupilles qui, trop dilatées, ne sont plus ou très peu réactives à la lumière), puis Noir Acier, Gérald Blanchard approche du but. Inspiré par Di-Maccio, Enki Bilal, Giger, Druillet ou Moëbius, tout en ayant étudié la technique de Rembrandt ou des Impressionnistes, il s’est forgé un style et un univers bien à lui.
Un monde qui doit aussi beaucoup à des artistes visionnaires comme Léonard de Vinci, Jules Verne, Frank Herbert, Ray Bradbury, Isaac Asimov ou Pierre Bordage. « Mes personnages font partie de la matière et la matière fait partie de mes personnages, explique-t-il. Ils sont reliés à leur propre création, ils sont bien, ils ne sont plus là. Ils ont dépassé l’aspect charnel des choses, ils sont zens, sereins. Pour moi, le temps bonifie les gens et les choses. »
S’il est parfaitement intégré dans son époque et joyeusement sociable, Gérald Blanchard n’en rêve pas moins de n’être plus réduit qu’à l’état d’âme : « faire partie de quelque chose, être déstructuré, organique, pour ressentir des plaisirs encore plus physiques ». Une thématique qui ressort dans des compositions soigneusement préparées avec des moyens modernes.
Gérald Blanchard travaille exclusivement à partir de photographies. Il fréquente beaucoup les bâtiments industriels (son grand regret est de ne pas avoir pu s’introduire dans les usines Renault de l’Ile Seguin avant qu’elles soient récemment détruites) mais fait aussi poser des modèles sans artifice, tournant autour d’elles pour saisir l’angle, la posture, l’expression désirés. Ensuite, sur ordinateur, il assemble ces différents éléments, les déstructure, avant d’imprimer le résultat, véritable base de travail.
La transposition sur la toile s’opère grâce à la technique du lavis (térébenthine pure avec très peu de matière) qui lui permet d’effectuer les placements grandeur nature. Les masses apparaissent qu’il jauge au moyen d’un miroir, à l’envers, donc, pour pallier l’exiguïté de son atelier à la campagne. Il procède ensuite au montage des volumes grâce à des lavis un peu plus puissants qu’il travaille au couteau, avec des cartes magnétiques, des morceaux de caoutchouc ou ses doigts (il n’utilise le pinceau que pour les finitions). Pour donner de la profondeur, il a perfectionné son art du glacis, en utilisant le médium flamand des peintres de l’école du même nom, un mélange de poudres de pigments, d’huile de lin et de térébenthine. Par charges successives, de moins en moins épaisses, entre lesquelles peuvent s’écouler de une à deux semaines de séchage, il crée une succession de couches en évitant soigneusement de les mélanger les unes aux autres.
Mais, l’essentiel, c’est que, face à l’œuvre terminée, la technique s’efface devant l’émotion.